vendredi 13 avril 2012

Ben, l’extravagant en sa cour de ré-création

vendredi 13 avril 2012

En dix jours, déjà 5 000 personnes se sont pressées au château de Manderen pour découvrir les œuvres de Ben. L’exposition est bien partie pour battre tous les records. Inauguration, hier, en présence de l’artiste.

Le rire et l’accent de Ben résonnent et réchauffent. Dans la cour carrée du château de Manderen, « sa cour de ré-création, » comme l’a joliment résumé le président Weiten, les enfants galopent d’un canapé à un autre, jouent au baby-foot et décryptent les mots de Ben sur le tableau géant qui décline être à toutes les sauces. Etre, c’est le nom et toute la question de cette exposition. L’artiste, tout en extravagance, s’arrête et personnalise chacun de ses autographes. A 75 ans, il vit son art avec toujours autant d’intensité, le transcende et le tourne en dérision ; maître du paradoxe.

On est tous ego

Du twit avant l’heure. Qui se paye le luxe d’interroger sur soi-même. C’est peut-être pour cela que le public est jeune, que les gamins s’y précipitent avec joie et leurs professeurs utilisent ses mots pour susciter la question. Vaut mieux ne pas visiter cette exposition seul. Cet art n’est pas à admirer dans le respect du silence. Sa vérité – qu’il n’a toujours pas trouvée – se cache dans tout un tas de petites moqueries et grandes provocations. Des bouts de lignes et mots affichés, des papiers déchirés et photos griffées. Une peluche qui se tord de rire sur un lit. Un fer à repasser antédiluvien sur une petite étagère et cette phrase : Encore un fer à repasser qui se prend pour de l’art. Un landau comme une sculpture habillée de mini-jouets gadgets. Alors chacun déambule, commente, s’attarde, se marre ou se crispe. Il faut parler, développer, chercher le détail, rêver ou renier. Avec Ben, tout est possible, même le rien. Moi, Ben, je signe tout et rien. L’ego est son moteur. « Moi, au moins, j’assume. » C’est son expo du « je ». Décomplexé, mais avec humilité. L’art du… paradoxe.
Avec plus de trois cents œuvres, autant de couleurs et des milliers de mots, le château de Malbourck offre à Ben sa plus grande exposition. Ce côté chatelain le fait pouffer de rire. Et le président du conseil général de la Moselle, Patrick Weiten, n’était pas le dernier à s’esclaffer devant les facéties de Ben, se réjouissant d’offrir « à un des artistes français les plus connus » pareil écrin. De vieux murs qui magnifient un art contemporain, vivifiant, toujours d’actualité, même si sa force remonte au tout début des années 60, dans un esprit post-Dada, celui du mouvement Fluxus qui sans cesse cherche à repousser les limites de l’art. Jusqu’à exposer sa propre urine en pot ! Parce que le Beau n’existe pas et Le laid est beau. « Un artiste plein d’impertinence, d’humour, de philosophie et de justesse », commente encore le président Weiten.
« Ne l’écoutez pas, réplique Ben, peu impressionné par les sept cents personnes qui lui font face. Il exagère, c’est de la guimauve cette exposition. Je n’aime pas tellement Ben. Je me répète, je m’angoisse. Je voudrais pouvoir abandonner l’art, mais je n’y arrive pas. » Heureusement. Et l’artiste finalement, de ne pas bouder son plaisir. « A 75 ans, je continue à faire des expériences. Et puis, je suis content de vous, je suis content qu’il ne pleuve pas, que le président parle bien. Mais, je ne suis pas content de moi. »

On est tous ego. Mais pas forcément comme on croit.

Laurence SCHMITT. (Républicain Lorrain 13-04-2012)

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